[REVUE MICROBIOME]
Rencontre avec Patrick Jimonet, chargé de projet innovation chez Medicen
Il y a quelques jours, nous annoncions avec enthousiasme la publication d’une nouvelle revue sur le Microbiome, rédigée par le groupe de travail Medicen « Microbiome Drug Metabolism ». Dirigés et rassemblés par Patrick Jimonet, plus d’une trentaine d’experts internationaux de premier plan ont élaborer des propositions visant à faciliter l’intégration du microbiome dans la découverte et le développement de médicaments. Rencontre.
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?[Patrick Jimonet] Fort d’une expérience de plus de 30 ans dans le domaine pharmaceutique et de la découverte de médicaments, j’ai intégré le pôle de compétitivité Medicen en 2019 en qualité de chef de projet. Rapidement, la thématique émergente et de plus en plus reconnue du microbiome m’a été confiée. Le microbiome est à ce jour abordé de manière fragmentaire et peu précise dans le contexte du développement de nouveaux médicaments. Les interférences du microbiome sur l’efficacité des médicaments sont souvent identifiées trop tardivement au cours du processus de conception. Cependant, grâce aux avancées technologiques en matière de séquençage, nous disposons de moyens de plus en plus sophistiqués pour étudier les microbiotes et leurs interactions avec les médicaments. Nous atteignons aujourd’hui un point crucial dans notre capacité à aborder cette question de manière approfondie. |
Medicen, le pôle de compétitivité santé de la région Ile-de-France
Créé en 2005, Medicen Paris Region est le pôle de compétitivité santé de la Région Île-de-France. Son réseau unique fédère plus de 510 acteurs de l’innovation en santé parmi lesquels 430 startups et PME de la healthtech, les industriels de la santé, les principaux instituts de recherche nationaux et établissements de soins du territoire.
Comment le projet a-t-il été construit et organisé avant sa publication ?
[PJ] Le projet a été lancé en 2020 avec une phase de recrutement visant à constituer un groupe de travail diversifié, incluant à la fois des acteurs privés et publics, et couvrant l’ensemble des aspects de la Drug Discovery : entreprises pharmaceutiques, CRO, milieux académiques, etc. Michael Zimmermann, déjà auteur de plusieurs articles scientifiques sur le microbiome, a été parmi les premiers à rejoindre le groupe de travail.
Au final, plus d’une trentaine d’organismes ont participé à des sessions de réflexion sur le sujet, puis se sont organisés en 7 groupes de travail selon les thématiques jugées les plus cruciales, à savoir :
- Expérience et études de cas pharmaceutiques,
- Interaction médicament-microbiome in silico,
- Évaluation de la stabilité microbienne in vitro,
- Modèles de fermentation intestinale,
- Modèles animaux,
- Intégration du microbiome dans les aspects cliniques et réglementaires,
- Normes relatives au microbiome.
Notre mission fût de synthétiser l’ensemble des données et expertises liées au microbiome, et de les intégrer aux différentes thématiques de travail. Mon rôle consistait à animer les groupes de travail, à organiser les réunions et à maintenir la dynamique de travail. Tous les participants sont bénévoles et aucun budget spécifique n’a été alloué à la construction du projet.
Comment l’expertise d’Oncodesign Services a-t-elle contribué à l’avancement du projet ?
[PJ] Ma relation de longue date avec Fabrice Viviani m’a naturellement amené à contacter Oncodesign Services, et Sylvie Maubant, directrice d’étude sur le sujet, a rapidement intégré le groupe. Son implication a été remarquable. En tant que responsable du groupe de travail « In vivo », qu’elle a co-animé avec Sylvie Rabot de l’INRAE, elle a joué un rôle essentiel dans la rédaction de la publication.
Pourriez-vous nous donner un aperçu des principales découvertes ou conclusions tirées de cette étude sur l’intégration du microbiome dans la Drug Discovery et le développement des médicaments ?
[PJ] La conclusion principale de l’étude est qu’il est impératif d’intégrer précocement la dimension du microbiote en utilisant des tests in vitro simples pour comprendre les interactions entre le microbiome et la molécule. Nous progressons peu à peu vers une standardisation de ces tests, mais le premier défi consistera à sensibiliser les entreprises pharmaceutiques à cette approche.
Quelles perspectives envisagez-vous après la publication de cette étude ?
[PJ] La publication officielle vient d’être diffusée dans le numéro d’avril 2024 de la revue Drug Metabolism and Disposition. Nous sommes désormais dans une phase de promotion de cette publication auprès des entreprises pharmaceutiques et d’autres parties prenantes. J’ai notamment présenté nos résultats lors de Pharmabiotics 2024 à Lille le mois dernier, et j’aurai l’opportunité de présenter lors du prochain congrès GMP 2024 à Lyon, congrès annuel prévu en octobre prochain et réunissant en particulier des spécialistes DMPK de la pharma.
Cependant, cette publication ne marque pas la fin de notre travail. Notre objectif est de continuer à approfondir nos réflexions sur certains aspects, d’explorer de nouvelles thématiques et d’intégrer de nouvelles compétences. Nous avons déjà reçu des demandes d’acteurs intéressés à rejoindre notre groupe de travail depuis la publication de la revue.
En ce qui concerne l’impact de cette publication à plus grande échelle, les CRO, telles que Oncodesign Services, seront les premiers à témoigner de l’intérêt croissant (ou non) des entreprises pharmaceutiques pour ce sujet, à travers les demandes qu’ils recevront pour des projets précliniques.